1 – L’accompagnement des parcours d’identité culturelle du plus grand nombre

Nous vivons indéniablement dans un monde de plus en plus multiculturel, source de vraies richesses mais aussi de réelles violences symboliques. Face à la revendication croissante des singularités culturelles et de l’entre-soi, il existe une responsabilité publique à offrir à chaque citoyen un cadre pour des relations collectives le plus pacifiées possible. L’ambition politique voudrait que les expressions artistiques et culturelles offrent à chacun une occasion unique de construction de son individualité et à tous les conditions favorables à la fabrication du commun.

Il y a donc urgence à repenser les fondements de l’action publique à partir de l’articulation entre la diversité des expressions et des parcours culturels, ainsi que d’une approche centrée sur la personne et sa dimension pluriculturelle. Cette mise en tension doit s’accompagner dans le même temps d’une promotion résolue de communs d’intérêt général qui excèdent la seule somme des intérêts particuliers tout en leur permettant de coopérer. Les approches exclusivement disciplinaires et sectorielles, ou centrées sur le seul dipôle de la création et de la diffusion des œuvres artistiques, ne peuvent répondre à ces exigences.

Ce souci conduit à rompre résolument avec une conception de la transversalité qui relèguerait au second plan les « volets » territoriaux, sociaux, éducatifs d’un système culturel qui resterait inchangé dans sa hiérarchie et ses priorités. Il conduit également à être plus attentif aux différents clivages, replis identitaires et conflits sociétaux actuels qui sont le symbole d’une société qui peine à se reconnaître dans sa pluralité, en ignorant des populations laissées pour compte, notamment dans les banlieues urbaines, les milieux ruraux et les territoires ultramarins.

De même, sans minorer les responsabilités propres de la puissance publique en matière d’offres et de services, elle doit se montrer beaucoup plus attentive au foisonnement d’initiatives de la société civile, à ses capacités d’auto-organisation et de résilience aux dégâts engendrés par la financiarisation de l’économie et certaines évolutions sociales ou écologiques destructrices des conditions même d’un vivre en commun.

Il devient donc urgent de reconnaître l’égale dignité entre les créations portées par les institutions et les milieux professionnels, et les initiatives créatives conduites par l’ensemble des citoyens et des groupes sociaux. Il est de ce fait légitime de conditionner les aides à leurs projets respectifs ou conjoints à un même devoir de coopération. Au côté de la conservation et de la valorisation d’un patrimoine historique commun, une réelle prise en compte du patrimoine artistique, scientifique, culturel, symbolique porté par chacun est aussi essentielle.

Tout cela passe également par un maillage territorial, entre structures partenaires, relais sociaux, tissus associatifs et usagers, afin de créer des projets de rencontre et d’interculturalité, sans pour autant se priver de l’écoute de l’artiste ou du transmetteur de l’œuvre, de la pertinence de leurs propositions. À l’échelle locale où se vivent des modalités renouvelées d’action culturelle et où l’on doit apprendre à « composer avec du composite », la priorité mérite donc d’être donnée au déploiement de nouvelles expériences pour faire culture ensemble, au sein desquelles l’accompagnement des parcours personnels et la transmission des savoir-faire doivent être des priorités.

Enfin, dans une société démocratique, il conviendrait de réaffirmer avec force l’exigence d’une laïcité culturelle élargie, non réduite à la seule question des pratiques religieuses.

Ouvrir ce chantier, c’est chercher de nouvelles voies pour la communication interpersonnelle et pour réduire le risque d’une démultiplication des actes de rejet ou de violence réelle et symbolique entre communautés sociales et culturelles, territoriales et économiques.

Pour approfondir, voir les contributions :

#1, « Pour un pivotement stratégique des politiques culturelles publiques », à partir de l’étude de cas des démarches de réélaboration participative des politiques culturelles de Rennes et de Montreuil, mars 2013.

#2, « Oser d’autres possibles dans les politiques culturelles publiques ! », à partir de l’étude de cas sur la participation des citoyens Artis’cité à Montbéliard, avril 2013.

#4, « Agir politiquement en faveur d’une culture humaniste à partir d’un principe de réalité », à partir de l’étude de cas de la Médiathèque André-Malraux de Strasbourg, novembre 2013.

#6, « Prendre enfin en compte l’hétérogénéité culturelle et l’historicité des territoires dans la définition des politiques publiques », à partir de l’étude de cas du plan territorial d’éducation artistique et culturelle de la Scène nationale Le Carreau de Forbach et de l’Est mosellan, janvier 2015.

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