3 – Les compétences artistiques et culturelles et la professionnalisation

Les pratiques artistiques et culturelles constituent des espaces d’expérimentation et d’acquisition de compétences, individuelles et collectives, qu’elles soient exercées à des fins professionnelles, d’expressivité personnelle, de loisirs ou de convivialité. L’organisation par métiers strictement différenciés, filières professionnelles distinguées et formations qualifiantes associées s’en trouve bousculée. D’autant qu’est croissante l’hybridation des activités et des parcours professionnels – en tant que salariés ou travailleurs indépendants – et dans des organisations aussi bien publiques et privées que relevant du tiers-secteur d’initiative privée à buts autres que lucratifs.

La sécurisation de ces parcours porte alors moins sur le statut professionnel que sur les conditions minimales d’activité et de ressource permettant à chacun de déployer ses compétences et son propre projet – professionnel ou bénévole. Cela nécessite un cadre « flexisécurisant » intégrant, d’une part, l’expérience et l’expérimentation comme l’un des piliers d’une professionnalisation toujours en devenir (la formation tout au long de la vie) et, d’autre part, le caractère de plus en plus imprévisible des parcours individuels. Cela implique également de réintroduire les questions de la transversalité, de la territorialisation, de la valeur sociale et d’usage des activités.

En prenant appui plus fortement sur les aspirations individuelles et les initiatives de la société civile, en accompagnant véritablement les interactions entre professionnels et amateurs et en élargissant le cercle des personnes habituellement impliquées dans les projets, la stimulation des acteurs culturels et partenaires locaux ne pourra qu’être plus bénéfique et l’apprentissage de la coopération plus opérationnel.

En tout cas, la multiplication des démarches de socialisation des projets artistiques, portées par des acteurs sensibles à une mise en mouvement globale et à une mise en partage des moyens et des ingéniosités, participe de l’indispensable métamorphose des profils et des compétences du secteur culturel et artistique.

Les approches plus transversales et intégrées, reposant sur des compétences coopératives tant de la part des structures privées que des institutions publiques, sont alors à développer, même si elles perturbent fortement la vision strictement sectorielle et statutaire des métiers. Le contexte actuel de forte mutation induit aussi l’émergence, aujourd’hui encore très empirique, de nouvelles compétences d’ingénierie artistique et culturelle (sur l’ensemble des cycles de production-appropriation), d’approche historique et scientifique (entre autres, sur les secteurs de la conservation et de la recherche) et politique (au sens de l’organisation et de la gouvernance collectives).

De ce point de vue, le fort renouvellement générationnel des directeurs d’établissements culturels et des cadres de la fonction publique territoriale constitue une réelle opportunité pour accélérer le pivotement stratégique au moins des politiques publiques en matière de culture. La mobilisation et l’engagement des principaux établissements et organismes de formation dans un ambitieux programme de formation et d’accompagnement des cadres culturels paraissent être une orientation première à conduire à l’échelle nationale.

Avec un contenu dépassant les approches corporatistes de chaque formation et osant s’appuyer plus fortement sur les expériences concrètes à l’œuvre localement, ces programmes auraient intérêt à embrasser plus globalement les différentes politiques publiques et leurs enjeux et à renforcer la dimension territoriale des formations sectorielles. Visant une plus large diversité des profils, ces offres de formation et d’accompagnement pourraient en outre permettre une meilleure mobilité intra et intersectorielles.

Ouvrir ce chantier, c’est chercher de nouvelles voies pour le développement des activités, de l’emploi et de la formation. C’est aussi aller vers un système facilitant aussi bien les mobilités professionnelles que l’accès au marché du travail des jeunes générations, avec ou sans diplôme, et des personnes âgées de plus de 50 ans.

Pour approfondir, voir les contributions :

#2, « Oser d’autres possibles dans les politiques culturelles publiques ! », à partir de l’étude de cas sur la participation des citoyens Artis’cité à Montbéliard, avril 2013.

#5, « Faire de l’action publique en faveur de la culture un levier de l’innovation sociale et politique », à partir de l’étude de cas du projet de médiathèque de la Communauté de communes entre Dore et Allier accompagné par la 27e Région, janvier 2014.

#7, « Investir en urgence dans des modèles économiques de la création artistique plus coopératifs et solidaires », à partir de l’étude d’un exposé sur la situation socioéconomique du spectacle vivant en France, mai 2015.

Retour au sommaire général

Retour au sommaire des chantiers

 

Plus sur Didier SALZGEBER

L’Institut de coopération pour la culture est un groupement de professionnels travaillant dans le secteur culturel. C'est un espace d'échanges et de contribution et aussi un espace de transmission et de capitalisation d'expériences.

Les commentaires sont clos.

Navigation des billets