5 – La prise en compte des processus artistiques et culturels élémentaires

Le caractère indéterminé des projets artistiques et culturels en termes de résultats est une de leurs propriétés structurelles : la prise de risque sur les plans symbolique, économique ou professionnel est telle que les acteurs ont constamment cherché à la minimiser. Par ailleurs, la mutation sociétale actuelle implique de repenser la relation entre ces projets générateurs d’œuvres et de processus et la société comprise comme une hétérogénéité de personnes et de situations. Dans cette perspective, l’objectif porte moins sur une quantification des résultats, de toute façon peu prévisibles et largement diffus, que sur une reconnaissance plus qualitative de ces situations initiées par les personnes, les groupes ou les équipements, en faveur de pratiques artistiques, culturelles et citoyennes.

Or, ces situations sont de plus en plus multifactorielles et multipartenariales. Prendre en compte cette tension, c’est reconnaître que les registres artistique et culturel, politique, administratif, professionnel et social ne s’inscrivent pas dans les mêmes temporalités. Il y a alors lieu de trouver un juste équilibre entre les principes directeurs devant guider l’action, les parcours de celles et ceux qui animent ces projets et y participent, les processus à mettre en œuvre et les résultats attendus. Mais jusqu’à présent, les dispositifs publics, aussi ingénieux soient-ils, ont surtout tendance à s’accumuler, sans souvent aller au-delà de quelques préceptes généraux et normes d’exécution. Cela impliquerait la mise en place d’une gouvernance fondée sur l’intérêt général, et non sur l’addition d’intérêts catégoriels et particuliers.

Une double exigence de rationalisation et de socialisation des projets s’impose donc, afin de mieux mobiliser les acteurs amateurs, professionnels et institutionnels dans un cadre structurant et négocié proposant aux porteurs d’initiatives des règles souples, ajustables dans la gestion de processus forcément aléatoires, fragiles et pour partie indéterminés. Il s’agirait de proposer des modalités simples pouvant soutenir les parcours et les projets à chacune des étapes de leur développement, et garante de leur viabilité, de manière « bienveillante ».

Cela revient aussi à considérer les apports financiers aux projets – que ces apports soient publics ou privés – comme un investissement propre à produire des transformations dans un environnement contractuel qui fonctionne bien sur un principe de réalité, tout en reconnaissant le potentiel d’imaginaire et de mise en récit des projets financés et en intégrant la fragilité des processus proposés.

Une nouvelle gouvernance (politique, administrative et délibérative) est ainsi à envisager. Mais seules la puissance publique ou des organisations privées fondées sur l’intérêt général peuvent soutenir ces projets en étant garantes de leur viabilité, de manière non sanctionnante, en combinant des phases de concertation, de négociation, de décision, de réalisation, d’appropriation et de valorisation, et bien évidemment d’évaluation.

Ouvrir ce chantier, c’est chercher de nouvelles voies de construction de l’intérêt général et d’une ingénierie vraiment coopérative et contextualisée. C’est aussi réduire le risque d’un repli des acteurs bénévoles, professionnels et institutionnels sur leurs intérêts propres.

Pour approfondir, voir les contributions :

#4, « Agir politiquement en faveur d’une culture humaniste à partir d’un principe de réalité », à partir de l’étude de cas de la Médiathèque André-Malraux de Strasbourg, novembre 2013.

#7, « Investir en urgence dans des modèles économiques de la création artistique plus coopératifs et solidaires », à partir de l’étude d’un exposé sur la situation socioéconomique du spectacle vivant en France, mai 2015.

#8, « Coopérer ou labelliser ? Telle est la question », à partir de l’étude de cas du Contrat d’Objectifs et de Moyens du Théâtre de l’Agora, Scène nationale d’Évry et de l’Essonne, septembre 2015.

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