Les collectivités publiques sont submergées par les demandes toujours croissantes de soutien financier pour des projets artistiques, culturels ou patrimoniaux particuliers. Ce flux permanent de nouveautés et de projets – dont une part constitue ce qu’on appelle communément « l’émergence » – représente une richesse pour demain. Cependant, les décideurs publics peinent à pouvoir répondre aux attentes de ces citoyens, porteurs d’initiatives.
De leur côté, les structures professionnelles adossées à des interventions publiques segmentées revendiquent le maintien de leurs dotations voire des moyens supplémentaires pour assurer leur développement. Ce mode de soutien ne peut être qu’inflationniste dans tous les sens du terme, chacun espérant recueillir, grâce à davantage de moyens, plus de notoriété et de reconnaissance de sa singularité artistique.
Un examen approfondi des responsabilités des structures soutenues par la puissance publique devient donc impératif, en reconnaissant que le soutien au développement de la professionnalisation ne peut plus être la seule réponse publique. Sous la contrainte actuelle de réaffectation des subventions publiques, les équipements artistiques et patrimoniaux déjà reconnus risquent pourtant de s’attacher à consolider leur position et leurs financements, pour maintenir l’équilibre entre les projets artistiques et patrimoniaux développés, les ressources humaines mobilisées et les contributions financières de leurs différentes parties prenantes, dont les partenaires publics.
Dans ces conditions, les structures moins reconnues risquent une aggravation de leurs difficultés. L’hégémonie des institutions est peu propice à une prise en compte des initiatives culturelles et artistiques portées sur tous les territoires par un nombre croissant de groupes et de citoyens.
La responsabilité des structures soutenues par les partenaires publics est donc à réinterroger et reformuler, au bénéfice d’une régulation autant territoriale qu’économique et sociale capable de mieux reconnaître les expériences plus fragiles, qui n’ont pas toutes vocation à s’inscrire dans le marché artistique fortement concurrentiel, qu’il soit national, européen ou international. Dit autrement, les professionnels ont clairement à apporter une contribution unique et plus substantielle qu’aujourd’hui à l’émergence d’une citoyenneté créative et solidaire.
Ouvrir ce chantier, c’est chercher de nouvelles voies autres que l’enfermement de la culture dans un périmètre exclusivement économique et professionnalisé, devant répondre aux impératifs de la notoriété maximale et de la rentabilité économique minimale de chaque projet.
Pour approfondir, voir les contributions :
#8, « Coopérer ou labelliser ? Telle est la question », à partir de l’étude de cas du Contrat d’Objectifs et de Moyens du Théâtre de l’Agora, Scène nationale d’Évry et de l’Essonne, septembre 2015.
#6, « Prendre enfin en compte l’hétérogénéité culturelle et l’historicité des territoires dans la définition des politiques publiques », à partir de l’étude de cas du plan territorial d’éducation artistique et culturelle de la Scène nationale Le Carreau de Forbach et de l’Est mosellan, janvier 2015.