Exploration et interrogations
De nombreux textes sont publiés actuellement sur le renouveau des politiques culturelles portées par les collectivités territoriales, souvent suite à des démarches de réélaboration participative (cas récents des villes de Rennes ou de Montreuil, par exemple) ou d’un travail prolongé de réflexion (cas du texte d’orientation politique de janvier 2013 de la FNCC). Ces documents sont l’occasion d’affirmer ou de réaffirmer un socle de valeurs sur lesquelles souhaite se fonder l’action publique dans ses interventions futures. En particulier, valorisation de la diversité culturelle et des droits culturels associés, reconnaissance de la pluralité contemporaine des rapports à l’art et à la culture, impératif du soutien à la construction par chacun de sa propre singularité culturelle dans la mesure où elle reste ouverte aux autres… Les collectivités tentent ainsi de générer leurs propres cadres de référence. Cela est peut être dû au fait que l’Etat ne peut plus occuper seul la place de garant ultime et n’est plus reconnu dans cette fonction de magistère.
A la recherche d’une nouvelle doxa
Ces publications peuvent être considérées comme un symptôme de quelque chose qui en train de bouger dans le référentiel utilisé par la puissance publique, en particulier vis-à-vis du monde professionnel. Nous pouvons retenir qu’il existe une réelle volonté de reconstruire une légitimité d’intervention de la puissance publique dans le secteur culturel. Cela est d’autant plus crucial, rappelons-le encore une fois, à un an d’échéances électorales.La recherche d’une nouvelle doxa s’appuie sur un repérage systématique des enjeux certes, avec cependant le risque d’une reproduction d’une pensée métropoliste martelant le discours de nos jours dominant d’un développement par les métropoles dont la perspective [quasi automatique] serait de promettre un monde meilleur fait d’innovation, de compétitivité et d’attractivité et… de culture participative et territorialisée.Nous sommes peut-être au milieu du gué en recherchant à lister tous les enjeux auxquels la puissance publique aurait à répondre et à valoriser (sans en oublier) toutes les ressources d’un territoire. Cet effet catalogue rend difficilement perceptible les priorités sur les prochaines années et semble, par effet de lissage, mettre tous les enjeux au même plan.Le sentiment de très nombreux professionnels, techniciens et élus de voir les procédures administratives et financières prendre le pas sur les enjeux, accentue le risque d’une déconnexion entre cette doxa et les réalités politiques et administratives, organisationnelles et financières.Sans nier l’intérêt de ces publications, on peut s’interroger sur l’opérationnalité effective des orientations qui y sont présentées. Par exemple, cela donne l’impression qu’une Ville, qu’un Conseil Régional peut agir simultanément sur chacun et l’ensemble des enjeux. C’est peut-être le travers de la clause de compétence générale qui est comprise par les collectivités territoriales comme la possibilité d’agir sur un spectre très large d’orientations, au détriment, nous le pensons, de décisions et de choix stratégiques en phase avec leurs responsabilités et leurs moyens réels budgétaires (et fiscaux), en phase avec les réalités de leur territoire. Le risque serait alors d’aboutir à une sorte de nouveau « jeu du catalogue » où l’idéal d’une mise en synergie de tous les acteurs masquerait mal le maintien des hiérarchies anciennes et la poursuite d’un développement par simple juxtaposition des domaines d’intervention.En prenant l’option d’un discours global [globalisant] sur les politiques culturelles, la compréhension des politiques elles-mêmes est rendue plus délicate. Les articulations entre les valeurs, les enjeux, les programmes d’action et les modalités d’organisation et de financements ne sont que très peu abordées. C’est comme si les collectivités publiques n’avaient pas besoin d’opérer de choix.Nous pourrions dire que la quête d’un nouvel idéal, peut-être à vocation universelle, est le principal moteur de ces publications. Il est évident que cette recherche de nouvelles références est utilisée comme un atout dans le positionnement compétitif des collectivités territoriales. Il est à souligner que ces textes sont une tentative de sortir de la tension entre démocratisation et démocratie culturelle sans forcément s’en émanciper. Enfin, le repérage des différents enjeux est une avancée, avec toutefois une difficulté réelle et non encore résolue de prendre de face les tensions sociales, économiques, culturelles et territoriales, y compris inter-régionales et nationales, européennes et internationales.Le choix n’est peut-être pas encore fait par les collectivités territoriales de mener de front des politiques se définissant d’abord à partir des résultats (politiques programmatiques), et d’autres politiques dont les résultats restent, et resteront, indéterminés et incertains, puisque reposant pour une plus large part sur la participation et la coopération d’un grand nombre d’acteurs (politiques contributives).