Organisons le débat et la délibération active autour de ces contributions. Acceptons le fait d’enrichir nos références, par l’identification des tensions et des contradictions sous-jacentes à l’émergence d’un nouveau modèle d’intervention publique dans le secteur de la culture. Pour illustrer ce propos, quelques questions :
- Comment envisager la responsabilité des partenaires publics et professionnels dans une société de surproduction symbolique ? Depuis plusieurs décennies, les modèles d’intervention publique en faveur de la culture se sont construits sur la base d’une époque où le nombre de producteurs symboliques était limité. Aujourd’hui, comme le dit Bernard Stiegler, nous sommes entrés dans une ère de l’économie contributive et symbolique où chacun, grâce aux technologies de l’information et de la communication, peut être force de proposition et de production de symboles. La question se pose aussi des systèmes de reconnaissance des symboles produits, de nos jours largement dépendants de dispositifs intersubjectifs de qualification et de puissants mécanismes associés de promotion et de mise en visibilité publiques.
- Comment élaborer un discours commun dans une société extrêmement diversifiée ? Quel est le territoire de référence pour la personne et ses communautés capables d’incarner ce sentiment d’appartenance ? La Nation est-elle toujours le seul endroit de fabrication du commun ? Ou la Nation n’est-elle pas le seul endroit susceptible de produire du commun ? Sur quelle autre territorialité symbolique faudrait-il alors désormais fonder notre communauté de destin ? Et cette question a d’autant plus d’importance à l’heure d’un projet européen en panne de sens et d’objectifs communs autres que gestionnaires.
- Comment entrevoir un renouvellement des modèles économiques déployés dans le secteur culturel ? Quels mécanismes de redistribution et de régulation sont à initier ? Peut-il y avoir un redéploiement des dépenses publiques au regard des évolutions sociales et culturelles que nous connaissons ? Comment passer d’une conception encore largement fondée sur une accumulation de soutien à des projets artistiques et culturels à une autre approche, centrée sur les transformations et la régulation sociale et économique des filières d’activité artistiques et culturelles ? Une approche plus systémique où deviendrait central l’engagement public, au nom d’un intérêt général à constamment débattre.
La difficulté est là : comment tenir les trois bouts d’un système laïc de croyance, d’un modèle démocratique et d’une reconfiguration socioéconomique, qui permettent par ailleurs à chacun de se projeter, comme personne singulière et membre d’une communauté de destin, dans des espaces et dans des temps de fait plus courts et diffus, plus spécialisés et différenciés. Les politiques publiques sont donc confrontées à plusieurs questions, comme par exemple :Comment arriverons-nous à gouverner avec une hétérogénéité croissante des cultures, des identités et des parcours culturels de chacun ?Comment en tant que puissance publique puis-je accompagner les processus de construction et d’évolution des identités culturelles, individuelles et collectives ? Est-ce possible ? A quelles conditions ?Comment est-il possible de réguler les profondes inégalités culturelles d’une part, les inégalités de l’économie des mondes de l’art et de la culture d’autre part ?De quelle manière me positionner en qualité de collectivité publique face à l’hyper segmentation du marché du travail, de l’accentuation des inégalités entre travailleurs d’une même catégorie et de catégories différentes ?Quelle priorité la collectivité publique doit-elle retenir dans le système de valorisation et de reconnaissance ? Quelle place la collectivité laisse-t-elle à la diversité et à la pluralité dans ses politiques culturelles, y compris avec ses partenaires ?