Pour un pivotement stratégique des politiques culturelles publiques

Réintroduire des processus collectifs, oui mais dans quel cadre ?

Nous pouvons partir de l’hypothèse que nous n’irons pas vers une société plus consensuelle. Cela oblige d’aller vers des systèmes plus complexes d’analyse, de délibération, de décision et de financement. Nous ne pouvons rester sur l’affirmation d’un modèle unique, aussi séduisant soit-il, capable de répondre aux différentes tensions décrit précédemment. Les solutions à construire ne peuvent plus se faire de manière isolée par chaque partenaire. Il y a lieu de réintroduire du collectif et de la coopération à condition d’affirmer très clairement des choix notamment sur les types de développement et d’échange souhaités par la puissance publique.

Pour une nouvelle praxéologie culturelle

Très concrètement chaque collectivité devrait être en mesure de dire ce qu’elle souhaite concernant les relations entre les habitants d’un même territoire ; les relations interconnectées d’équipements implantés sur des territoires différents ; les relations entre les acteurs politiques et professionnels… Choisir une vision d’émancipation de l’humain et de développement territorial dans une politique culturelle, c’est affirmer le refus de l’individualisme, des égoïsmes, des processus fermés et exclusivement concentrés sur quelques acteurs institutionnels ou professionnels….Dans un moment où notre société baigne dans des flux incessants d’information et d’interconnexion entre les personnes, la puissance publique pourrait être garante d’une qualité relationnelle entre ses membres. De plus, de nombreux traités internationaux (l’UNESCO notamment) et européens, de nombreux textes théoriques sont à sa disposition pour étayer ce point de vue et, peut être, cette priorité.Le défi est de taille ! Dans un contexte extrêmement incertain, aux évolutions permanentes, les personnes, quelle que soit leur situation sociale ou professionnelle, tentent de se frayer un chemin tant bien que mal, souvent de manière isolée, et de construire un parcours qui soit le moins chaotique possible. Reconnaissons que la situation est particulièrement anxiogène. La manière dont nous construirons, par de nouveaux espaces et modalités de débat et de délibération, des points de repères est aussi importante que la publication et la valorisation des points de repères eux-mêmes. Les processus et les résultats sont intimement liés. Il y a donc à entrevoir un passage d’une intervention politique exclusivement centrée sur les œuvres et les objets, les services et les activités, les professionnels et les artistes…à une intervention, plus complexe, prenant aussi en compte les conditions de dialogue entre les acteurs. Cela ne sera possible qu’en s’adossant sur une approche à la fois sectorielle et transversale.Cela suppose aussi d’être en capacité de construire des expérimentations, c’est-à-dire de disposer de protocoles clairs sur les résultats attendus et sur les méthodes qui seront déployées ; clairs dans leurs sous-entendus théoriques et idéologiques. Il serait dommage en effet d’en rester à de simples brainstormings collectifs sans problématisation ni mise en perspective, sans éléments d’une pensée politique opérationnelle en faveur des personnes/citoyens : de telles situations existent malheureusement – les uns et les autres avons pu en faire l’expérience – où le collectif fusionnel prend le pas sur le commun, où la modalité technique d’échange prend le pas sur les contenus, où le faire pour faire prend le pas sur la pensée.Il est assurément de notre responsabilité de revoir en permanence les références, nos références. Nous pourrons d’autant mieux le faire en nous appuyant sur une nouvelle praxéologie culturelle, c’est-à-dire en développant notre capacité à faire des allers-retours permanents entre des expériences concrètes et la production de nouvelles connaissances. Cela suppose de mettre à l’épreuve les différents discours sur des thématiques concrètes, des réalités concrètes, vécues et connues.

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