Enrichir nos cadres de référence
Cette première exploration a été l’occasion de pointer l’important potentiel de changement qui existe aujourd’hui, notamment par les nombreuses initiatives portées sur les territoires. Encore faut-il pouvoir repérer et valoriser ses nouvelles initiatives. In fine, même si beaucoup de propositions pourraient être qualifiées d’utopiques, elles offrent la possibilité de faire des choix par rapport à un autre modèle.
La panne ?
Il faut poursuivre l’exploration de ce pivotement entre les politiques exclusivement sectorielles et quantitatives (nombre d’entrées, nombre de spectacles par exemple) avec une politique intégrant formellement de nouveaux processus de négociation et de décision. Cela suppose :
- de nous intéresser aux conditions à réunir pour rendre possible ce changement, pour garantir une qualité de dialogue reposant sur le respect des points de vue individuels, favorisant la délibération collective et reposant sur un principe de contribution ;
- D’encadrer démocratiquement, techniquement et financièrement les expérimentations nécessaires à la fabrication du commun. Au-delà des services et des activités, la puissance publique devrait être en mesure d’être garante des moyens et des méthodes mises en œuvre pour le décryptage et les traductions des expériences concrètes ;
- de réfléchir sur les logiques de socialisation des parcours personnels, professionnels ou politiques dans un contexte de plus en plus complexe, dissensuel et anxiogène. Cela suppose une prise en compte des souffrances existantes, en particulier autour de l’isolement et de la solitude.
Ce sentiment de panne du système sera conforté si on poursuit une gestion exclusivement rationnelle (et comptable) des situations. La situation est quelque peu paradoxale car au moment où il faudrait s’inscrire dans un système ouvert avec des horizons plus transversaux et européens/internationaux, on observe plutôt un enfermement sur soi, sur son métier, sur son mandat, sur son territoire. C’est faire le pas de côté nécessaire à l’élaboration de nouvelles réponses.
Valeurs, questions et processus
Il faut pouvoir proposer une reformulation : si nous prenons au sérieux la proposition d’une politique culturelle humaniste soutenue par la puissance publique, sur quels fondements pourrait-elle s’appuyer ? Nous en avons repéré trois :
L’émancipation : quelle signification en donner aujourd’hui ? Comment composer le singulier avec les emprunts faits à d’autres communautés ? De quelle manière le collectif peut-il être une source d’étayage de la singularité ? Comment faciliter l’appropriation des situations proposées ? La revendication d’une singularité est très forte aujourd’hui. La responsabilité de la puissance publique n’est-elle pas d’agir sur cette articulation entre singularité et socialisation, avant que le marché ne s’en occupe exclusivement.
La solidarité : partons du principe d’interdépendance entre tous les individus. La puissance publique peut-elle proposer des principes d’organisation, de régulation des liens existants entre les individus et les collectifs, entre ceux possédant plus de moyens de ressources par rapport aux autres. Pourrait-on mieux agir sur le partage des risques et des incertitudes ? Solidarité et équité sont des valeurs sur lesquelles peuvent se construisent de nouvelles réponses ;
La délibération : tous les acteurs ont à faire face à des situations d’arbitrages permanents. Cela provoque de très nombreuses incompréhensions et tensions. Il y a là un véritable défi d’aller vers une démocratie et une laïcité culturelles qui soit en mesure de tenir compte des complexités dans lesquelles nous vivons et d’être plus souple dans les solutions à construire. Cela demande de créer toutes les conditions d’une implication de l’ensemble des acteurs concernés, y compris les citoyens. Cela exige tout autant de dégager un accord de principe sur la façon de trancher entre options parfois d’autant plus non conciliables quand il s’agit de questions artistiques ou culturelles qu’elles relèvent de choix subjectifs profondément intériorisés et profondément structurant pour la personne humaine ou ses communautés d’appartenance.
La mise en évidence de ces trois piliers doivent pouvoir faire écho à trois processus complémentaires : les processus de reconnaissance, les processus d’organisation ouverte en phase avec les réalités et enfin les processus de régulation et de redistribution capables de répondre aux difficultés actuelles.
Cela suppose de retrouver une capacité collective à produire de la signification. C’est tout l’enjeu des travaux de l’Institut de Coopération pour la Culture.
Mars 2013
L’Institut de Coopération pour la Culture
Télécharger : Contribution Institut Coop Culture Mars 2013