Le système d’intervention publique en faveur des pratiques artistiques et culturelles peine aujourd’hui à répondre aux attentes toujours croissantes tant de nos concitoyens que des professionnels de ces secteurs d’activité, comme aux nécessités accrues de leur coopération avec les collectivités publiques et de celle des collectivités entre elles.
Regroupement de personnes d’horizons et de points de vue divers, l’Institut de Coopération pour la Culture (ICC) explore depuis 2012 des expériences concrètes qui cherchent chacune, ne serait-ce que localement, à renouveler l’approche de ces questions. Espace coopératif de discussion et de réflexion, le travail de l’ICC se fonde sur une méthodologie particulière d’étude de cas. Celle-ci vise à mieux comprendre les ressorts sur lesquels chaque démarche se construit, à mieux appréhender les motivations de leurs initiateurs et de leurs animateurs, et à dégager autant que possible des éléments de mise en perspective plus générale.
Les cas étudiés jusqu’ici portent exclusivement sur le domaine des pratiques artistiques et culturelles en France, mais les problématiques qui s’en dégagent rejoignent bien d’autres réflexions en cours, dans d’autres champs d’activité sociale et dans d’autres pays qu’ils soient ou non européens.
L’ambition du travail mené depuis quatre ans par l’ICC consiste donc à proposer une mise en forme articulée d’un ensemble de prémisses qu’on souhaiterait le plus partagé possible. Il vise en particulier à la nécessaire refondation des principes de l’intervention publique en faveur des pratiques artistiques et culturelles dans notre pays. À ce stade, l’objectif n’est donc pas d’aboutir à une forme de manifeste programmatique ou de référentiel direct pour l’action. Par contre, il est bien question d’une dynamique de production d’un discours et d’une approche renouvelées, qui participent à faire « bouger les lignes » et à construire une « perspective commune » entre acteurs d’opinion, de sensibilité et de modes d’action pourtant diversifiés.
Synthèse des mises en perspective que nous avons dégagées de nos explorations de cas particuliers, le présent document s’adresse tant aux élu(e)s délégué(e)s à la culture qu’à leurs directeurs ou directrices des affaires culturelles, aux responsables des équipements artistiques ou culturels qu’aux différents professionnels de ces secteurs d’activité, ou encore aux citoyens intéressés par l’avenir des pratiques artistiques et culturelles dans notre société. Il prend tout son sens en lien avec la série de contributions produites à partir des différentes démarches concrètes étudiées. Il ne prétend pas à l’exhaustivité des thèmes à aborder, mais met déjà en exergue dix enjeux majeurs et sept chantiers prioritaires à nécessairement considérer.
L’ICC souhaite en effet partager avec vous les résultats actuels de son propre effort d’identification, de décryptage et de problématisation des enjeux et des choix politiques auxquels chacun d’entre nous sera conduit à faire face. Le danger serait en effet de ne changer qu’à la marge nos façons de penser et d’agir, alors que s’observent depuis des décennies des inégalités et des discriminations culturelles toujours croissantes que subit une grande partie de nos concitoyens et une stratification grandissante de notre société dont les segments tendent à se verrouiller de plus en plus sur eux-mêmes.
Alors que de nouveaux acteurs économiques et des groupes financiers opèrent pour imposer un modèle de consommation peu compatible avec des exigences de solidarité et de citoyenneté, y compris européennes, l’ICC souhaite en tout cas simultanément dépasser :
- le déni de reconnaissance aussi bien des innombrables expériences et projets qui se développent aujourd’hui partout en France et en Europe que des innombrables contributions et analyses produites depuis des décennies par les chercheurs ou les praticiens et désormais disponibles ;
- le renoncement à changer pour une société capable de prendre en compte la diversité des cultures qui lui est constitutive, de renouer un dialogue fructueux entre générations en donnant aux jeunes comme aux séniors la place qui leur revient, de dessiner une nouvelle architecture pour une éducation renouvelée et pour un développement équitable sur les plans autant culturel et économique que territorial et social.
Il y a là, pour nous tous, un défi majeur pour dégager ensemble de nouveaux modes de transaction, d’organisation et d’action, au risque, sinon, d’une croissance de tous les populismes actuels porteurs d’une vision du monde à la fois simpliste, parfois haineuse et violente, et dans tous les cas éminemment dangereuse.