Problématique générale
À force de ne pas mettre de mots sur ce qui est appelé la culture, les phénomènes de déséquilibre, d’inégalité, de discrimination et d’exclusion s’accentuent. On ne peut se résoudre à cette seule approche technique pour alimenter un débat sur le positionnement de la question culturelle dans les débats politiques et dans les futures interventions publiques en sa faveur. Il nous faut sûrement explorer la manière de démontrer la nécessité d’un investissement dans la culture, en dépassant les discours justificatifs s’appuyant sur quelques maîtres mots comme la compétitivité, l’attractivité et la cohésion sociale.
Dans un moment de raréfaction de l’argent public et de baisse effective des financements en faveur de la culture, peut-on prendre le temps de s’interroger sur les fondements et les modalités sur lesquelles peut reposer l’intervention publique ? S’interroger sur les finalités, les orientations et les objectifs portés de manière spécifique par la puissance publique dans le domaine de la culture ? Ne pas le faire conduirait inéluctablement à un accroissement de la segmentation du secteur et à l’accentuation de sa stratification. Si cela est le cas, nous risquons fort de nous retrouver au maintien et au développement d’un système pyramidal avec une très forte concentration en son sommet des moyens de production, de conservation, de diffusion, de transmission… Bref, comme le dirait Jean-Michel Menger pour le spectacle vivant, le constat d’une désintégration économique de la filière.
L’approche strictement juridique n’est pas à même d’apporter tous les éléments de réponse. De plus, en se référant à la Commission européenne, le questionnement se résume exclusivement aux craintes de distorsion de concurrence et de l’apport des industries/économies culturelles à la croissance. Les évolutions du cadre réglementaire au plan européen vont dans ce sens. Il en est de même pour le nouveau programme Europe créative qui devrait voir le jour pour la période 2014-2020.
La question est alors posée : comment à partir d’expériences concrètes peut-on dégager des propositions de principes fondateurs d’une action publique en faveur de la culture ? Au-delà d’une approche tactique de recherche de financements, de quelles manières ces principes pourraient être utiles pour les professionnels et pour les collectivités publiques pour entrevoir de nouvelles modalités de coopérations et de nouvelles solidarités, y compris européennes ?
Tout ceci n’est qu’une tentative. Au regard de la crise que nous connaissons (qui va durer et qui n’est pas seulement économique), il paraît inenvisageable de ne pas tenter de construire des propositions nouvelles. Les discours incantatoires sur l’éducation, la culture et la recherche n’y ont pas suffi (et n’y suffiront pas) à répondre aux violences réelles et symboliques actuellement à l’œuvre au plan national, européen et international ; au plan social et intergénérationnel. Une mise en pensée collective des expériences est aujourd’hui absolument nécessaire.